Les cinq mouskebière
Les cinq mouskebière Hongrois sont ici pour boire.
Ils détonnent parmi les groupes de retraités avides de photos souvenirs, d’ailleurs ils n’ont même pas d’appareil photo ni de smartphone ce qui les rend suspects d’entrée.
Ils ne se sont pas encombrés de femmes mais ont fait le plein de flacons qu’ils débouchent et vident sans répit.
Ils ont choisi de s’installer sur le pont arrière, à l’abri des vents de la mer.
Athos vient d’abord, la cinquantaine peu soignée, le tee-shirt à rayures horizontales fait ressortir comme sur une carte IGN les courbes de niveau de son abdomen proéminent. Son rôle dans le groupe est d’ouvrir les bouteilles en veillant à faire un beau « plop » avec le bouchon puis de les faire circuler alentour telle la commission de Bruxelles distribuant des subventions avant le Brexit.
Ensuite vient Porthos, son tire-bouchon droit, toujours apte à saisir les goulots qui passent et à faire baisser le niveau. Les trois autres acolytes (tous membres des acolytes anonymes…) sont des bons vivants venus là pour éprouver leur éclectisme dans la descente du gosier.
Chez eux point d’ostracisme ni de formalisme excessifs dans la séquence des liquides. Ils peuvent démarrer par quelques bières locales pour se mettre en jambes ; lorsque le second souffle est là et que le geste du coude est ample et bien assuré, ils passent à un Tokay rosé (ils ont visiblement amené des bouteilles de Hongrie). Après ces phases d’échauffement, un petit blanc norvégien peut être considéré le bienvenu.
Leur entraînement au long cours leur permet de soutenir une cadence élevée sans le moindre décibel dans le rire ni perte d’équilibre en allant chercher les nouveaux flacons.
L’entraînement se poursuit assidument toute la matinée. Grâce à ce régime spartiate, ils sont les seuls à rester en tee-shirt alors que tout le monde a fermé son anorak sur le pull.
Autrefois ils emmenaient quelques compagnes avec eux dans leurs virées, mais vu le peu d’intérêt des copines pour la boisson et surtout leur faible résistance, ils ont résolu de rester entre gens bien entraînés.
Vers 13 h, ils apportent des valises sur le pont. Vont-ils débarquer au prochain port ou est-ce pour rapprocher les munitions ?
Attirées peut-être par les bouteilles entamées qui jonchent le sol ou peut-être par d’autres centres d’intérêts, deux mamies confirmées tentent une manœuvre d’approche « first time in Norway ? Ah, ah, .. » Après quelques escarmouches ces vieux briscards évitent l’accrochage et se reconcentrent sur l’entraînement intensif.
Complètement dépitées, les mamies nous proposent même de nous prendre en photo, le résultat est sympa ci dessous.
Pourquoi sont-ils sur ce bateau ?
Quel terrible secret les lie à jamais dans la spirale de la boisson ?
Sont ils seulement dépités par le Brexit ?
Nous ne le saurons jamais.